Botonera

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12.2.23

CARLOS SAURA (1932-2023) IN MEMORIAM



CARLOS SAURA (1932-2023)
IN MEMORIAM

Nancy Berthier y Marianne Bloch-Robin






La probabilidad de que conociéramos la funeste noticia mientras estábamos juntas era infinitesimal. Llevábamos semanas –quizá incluso meses– posponiendo una sesión de trabajo entre París, Madrid y el resto del mundo. Por fin habíamos encontrado una franja horaria: el viernes 10 de febrero de 2023, de 15.00 a 17.00 horas. El mensaje de texto cayó de camino entre el restaurante Aux Cadrans, donde habíamos estado tomando café, y La Bonbonnière, donde iríamos a tomar un chocolate: “Carlos Saura ha muerto”. La voz de Marianne se volvió blanca, la sonrisa de Nancy se congeló. La incredulidad dio paso al asombro. Su última película acababa de estrenarse en Madrid, nos habíamos creído que era inmortal.

Los recuerdos se agolparon: el congreso-homenaje previsto para 2020 y cancelado por culpa del Covid, el libro colectivo concebido a toda prisa y publicado por Shangrila, bajo el título Carlos Saura o el arte de heredar, y luego el maravilloso día de mayo de 2021, en que habíamos podido presentarlo públicamente en el Instituto Cervantes de París. El confinamiento había dado paso al toque de queda, con el cierre de los espacios culturales, sociales y de ocio que nos habían mantenido encerrados durante tanto tiempo. El toque de queda se acababa de retrasar a las 21:00. Nos arriesgamos. Para la mayoría de nosotros era la primera vez que salíamos de una zona restringida en meses. Las mascarillas eran obligatorias, el aforo no podía superar un tercio de la sala. Carlos Saura había anunciado su llegada.

La modalidad híbrida que permitió el sistema de videoconferencia, que en los meses siguientes se convirtió en una costumbre, por no decir un cansancio, fue una emocionante primicia para nosotras y para los participantes. Entre Estados Unidos, España y Francia, los ponentes se asombraron de poder redescubrir por fin el gusto por el intercambio. En cuanto a los que estaban presentes, no podían creerlo y no dejaban de proclamarlo.

Los autores que habían participado en el libro presentaron sus contribuciones con gran alegría al reunirse por fin para compartir su deseo común de rendir un merecido homenaje al director que a menudo había ocupado buena parte de sus largas jornadas de investigación. La emoción también era palpable en el público presente o a distancia. El embajador de España en Francia, José Manuel Albares, subrayó en su discurso inaugural la dimensión de arte toral de la obra de Saura, suerte de quintaescencia de la cultura española, destacando también el carácter muy español y sin embargo universal de su filmografía.

Carlos Saura no pudo venir finalmente a París, pero consiguió acompañarnos virtualmente gracias a la complicidad de su hija Anna. Las dificultades de conexión, que complicaron la comunicación en algunos momentos hasta el caos, no alteraron en absoluto el buen humor del director, que hizo gala de una paciencia sin límites y de un sentido del humor aragonés cuando la imagen se congelaba y perdíamos el hilo de la discusión. Nuestra obstinación dio sus frutos y las dos esfinges -como nos había bautizado Saura-, pero también el público presente o a distancia, pudimos hablar con el director, que nos comunicó su gran alegría, pero también mostró cierta preocupación porque lo habíamos calificado de “clásico”…

Al lado nuestro, Jean-Yves lo filmó todo, la sala y la pantalla. Su sutil montaje da cuenta de la magia de ese día.




Texto en francés

La probabilité que la funeste nouvelle nous fût annoncée alors que nous étions ensemble était de l’ordre de l’infinitésimal. Cela faisait des semaines –peut-être même des mois– que nous repoussions une séance de travail, entre Paris, Madrid, et le reste du monde. Nous avions enfin trouvé un créneau ce vendredi 10 février 2023, de 15 à 17 heures. Le SMS est tombé sur le chemin nous conduisant des Cadrans, où nous avions pris un café, à la Bonbonnière, où nous irions boire un chocolat : «Carlos Saura est décédé». La voix de Marianne devint blanche, le sourire de Nancy se figea. L’incrédulité laissa la place à la stupeur. Son dernier film venait de sortir à Madrid, nous avions fini par penser qu’il était immortel.

Les souvenirs sont alors puissamment remontés : le colloque-hommage prévu en 2020 et annulé à cause du Covid, le livre collectif conçu dans l’urgence et publié par Shangrila, sous le titre Carlos Saura el arte de heredar, et puis la formidable journée de mai 2021, où nous avions pu le présenter publiquement à l’Institut Cervantès de Paris. Le confinement avait alors cédé la place au couvre-feu, assorti d’une fermeture des espaces culturels, de sociabilité et de loisirs, qui nous avait si longtemps reclus. L’horaire venait à peine d’en être repoussé à 21h. Nous avons pris le risque. C’était, pour la plupart des présents, la première sortie hors d’un périmètre restreint depuis des mois. Le masque était obligatoire, la jauge fixée au tiers de la salle. Carlos Saura avait annoncé sa venue.

L’hybridité événementielle permise par le système de visioconférence qui, dans les mois qui suivirent, finit par devenir une habitude, pour ne pas dire une lassitude, représenta ce jour-là pour nous, et pour les participants, une excitante première. Entre les États-Unis, l’Espagne et la France, les intervenants s’émerveillaient de pouvoir enfin retrouver le goût de l’échange. Quant aux « présents », ils n’en revenaient pas et ne cessaient de le proclamer.

Les auteurs et les autrices ayant participé à l’ouvrage présentèrent leurs contributions avec un grand bonheur de se retrouver enfin pour partager leur désir commun de rendre un hommage mérité au réalisateur qui avait souvent occupé une bonne partie de leurs longues journées de recherches. L’émotion était également palpable dans le public présent ou à distance. Dans son discours inaugural, l'ambassadeur d'Espagne en France, José Manuel Albares, souligna la dimension « d’art total » de l'œuvre de Saura, qu’il définit comme une sorte de quintessence de la culture espagnole et insista également sur le caractère fondamentalement espagnol et pourtant universel de la filmographie du réalisateur.

Carlos Saura ne put finalement se rendre à Paris, mais il parvint à nous rejoindre virtuellement grâce à la complicité de sa fille Anna. Les difficultés de connexion, qui compliquèrent la communication parfois jusqu’au chaos, n’altérèrent nullement la bonne humeur du réalisateur qui faisait preuve d’une patience sans limite et d’un humour tout aragonais lorsque, l’image se figeant, nous perdions le fil de la discussion. Notre entêtement porta ses fruits et les deux sphinx – comme nous avait baptisées Saura –, mais aussi le public présent ou à distance purent échanger avec le réalisateur qui nous communiqua sa grande joie, mais manifesta aussi une certaine préoccupation face à l’adjectif « classique » que nous avions employé à son propos …

A nos côtés, Jean-Yves a tout filmé, la salle et l'écran. Son subtil montage rend compte de la magie de cette journée.